dimanche 19 avril 2015

Famille nombreuse

Un billet que j'ai écrit et ré-écrit, démarré en début d'année alors que j'annonçais officiellement ma 3ème grossesse (sans être 100% satisfaite de la mouture actuelle mais si je ne me lance pas, je ne vais jamais le publier). Attention, gros pavé!

Mariée ou en couple depuis un moment, il ne vous a pas échappé que les questions plus ou moins directes jaillissent: "le bébé c'est pour bientôt?" Le 2ème a quelques mois: "le petit frère ou la petite sœur, vous y pensez?" Un c'est vu comme le minimum, deux la norme. Les questions sont les mêmes, les copines y eu droit. De notre côté, nous attendons le troisième pour juin... trois, trois...

...Trois? Je n'imaginais pas des réactions aussi contrastées, une question qui "divise" autant, alors que jusqu'à deux, on est dans le consensus (encore que, un enfant qui reste unique un peu "trop" longtemps suscite aussi bien des interrogations).
Avant de tomber enceinte du 3ème, étant maman de 2 garçons, c'est plutôt sur le mode "vas-y go, faut faire un 3ème... Une petite fille!" Parce que un 3ème garçon ce serait juste inenvisageable?

Une fois enceinte... Il y a bien sûr les sincères félicitations venant parfois de familles déjà nombreuses ou en devenir (mais pas que) mais aussi les "déjà???", les savants calculs: "Tu en a combien déjà? Deux? Ah ça va être une famille nombreuse. Quel âge les aînés? Deux ans 1/2 et quatre ans 1/2? Ils vont être rapprochés!" Réflexion reprise dans sa substance de nombreuses fois, sous des formes différentes, comme par exemple: "Ton aîné est seulement en maternelle? Je croyais que tu en avais un en primaire. Et vous attendez le 3ème? Vous ne perdez pas de temps!" Ou encore "Un tous les 2 ans?" (pas tout à fait, en fait).
Vient la compassion, les airs contrits: "Tu es courageuse." "Une fille au moins?" Je vous passe les questions de ceux qui voudraient savoir jusqu'à combien nous serions prêts à aller pour avoir LA fille. Sauf que ça n'est pas notre motivation, et nos petits gars sont tellement choux, que 3 garçons, je suis hyper contente! (même si évidemment j'aurais été ravie d'avoir une fille) "Trois? Mais comment vas-tu faire? Parce que moi avec deux j'ai déjà mis ma vie entre parenthèses, et alors trois garçons...".
Le pragmatisme: "Votre appartement est assez grand? Vous allez devoir changer de voiture, non?" ou sur un ton presque comique "Inscrite à la maternité? Tu as pris un abonnement de toute façon, non?" ou "6 mois de congé mat' pour un 3ème, il ne s'allonge pas pour un 4ème au moins?". "Avec un 3ème, tu vas avoir droit à une part d’impôts en plus" (si on gagnait de l'argent en faisant des enfants, ça se saurait).
Il semblerait que ce genre de réflexions s'adressent plutôt aux mamans, en tout cas, le futur-papa-de-famille-nombreuse n'est pas du tout perçu pareil, et on le félicite franchement. Alors que moi, je serai passée du côté obscur de la force. Les préjugés faisant obstacle à l'égalité homme-femme ont de beaux jours devant eux. Et aussi la propension à juger la situation des autres.

Enfin, pour d'autres, les familles nombreuses c'est un truc de catho, et à vrai dire, les statistiques confirment-elles ce fait? Le raccourci est facile et fréquent (et même au "tu habites Versailles = bien partie pour en faire un ou deux de plus"). Petit rappel par ailleurs, l'Eglise appelle à une "paternité et une maternité responsables": chaque couple est appelé à discerner le nombre d'enfant qu'il peut accueillir (pas forcément 3 ou plus donc).
Je suis récemment tombée sur un reportage où des familles (très) nombreuses (pas forcément catho) de 6-9 enfants, partageaient leurs astuces du quotidien. Il y avait quelque chose qui me mettait profondément mal à l'aise. L'une des familles, qui considère ne pas être au complet (à 9 tout de même), vit dans un logement clairement insalubre - une autre semble être en mode "survie" avec des aînés mis à forte contribution, tandis que la 3ème semble avoir trouvé un semblant d'équilibre. Ces familles étaient en tout cas très loin du modèle "famille nombreuse catho" que certains peuvent avoir en tête. J'ai zappé assez vite, ne comprenant pas forcément la pertinence de certains choix familiaux. Et oui, il est dur de ne pas juger...
Est-ce par ailleurs pertinent de faire des enfants dans le monde actuel, pourrait-on dire?... Dans quel monde vivront nos enfants, quel monde allons-nous leur laisser en héritage? On peut dire que c'est une preuve d'espérance et d'optimisme envers l'avenir, notre monde en manque cruellement. Et c'est à nous qu'incombe la difficile tâche de les y préparer. Cependant, je ne suis pas convaincue que la tâche soit plus ardue avec une famille nombreuse. Au contraire, les interactions au sein de la fratrie ne forment-elles pas un beau moyen de se construire? Quelques part, je crois aussi que nos quelques années passées à l'étranger ont boosté la nécessaire confiance envers l'avenir, grâce à de belles rencontres notamment, ainsi que des voyages qui ouvrent des perspectives et nous sortent de cette morosité franco-française. Mais je ne pense pas que l'on s'arrête à ça quand on décide d'avoir des enfants. C'est un tout, un équilibre global, et encore faut-il avoir la chance d'être sur la même longueur d'onde que son conjoint sur la question! Car c'est peut-être avant tout au sein du couple que cette question peut rapprocher ou au contraire diviser.

Alors, (zéro?), un, deux, trois, plus?
Selon l'Insee, 3 c'est la famille nombreuse (c'est d'ailleurs à partir de 3 qu'on a la carte du même nom). Dans ma tête, 3 c'est une famille "normale", 2 c'est le minimum, 1 c'est tristounet, 4 c'est une famille nombreuse. Pour d'autres 3 c'est la famille nombreuse, 1 ou 2 c'est idéal. Une question de perception qui dépend souvent de son vécu, de son histoire. On reproduit un schéma, on le module, on s'y oppose - question subjective à souhait. Des enfants uniques qui voudront prendre une revanche. Un accouchement particulièrement mal vécu, un enfant difficile qui remettra en cause des rêves (ou pas) de famille nombreuse. Un ptit 3ème ou 4ème pour avoir la fille ou le garçon, ou parce que 3 (ou 4) c'était votre famille d'origine et que vous ne vous imaginez pas moins? Ajoutez à cela des raisons liées à la situation du foyer.
3? Le dernier ou pas? On verra. Ce que je sais, c'est que quand j'ai tenu Bébé A (notre 2ème) dans mes bras à sa naissance il y a 2 ans et demi, un sentiment était profondément ancré en moi: je savais que ce n'était pas le dernier. Alors que quelques semaines avant sa naissance, j'ai été tenaillée de culpabilité et de doute, me disant même que c'était un sale coup que nous étions en train de faire à notre aîné, si bien avec ses deux parents exclusifs. Sauf qu'aujourd'hui, ils ne s'imaginent pas l'un sans l'autre et se réclament si l'un ne dort pas à la maison. Avec le 3ème, nous allons retravailler notre équilibre familial et voir où l'aventure nous mène.

Allez, pour terminer, je vous laisse avec deux billets écrits par Marie Perarnau, clic ici et  ici.

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